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buts et priorités de l'Association

Biba Ibrahim, 14 ans

Ma maman m’a mise au Monde en 1999, à Zinder.
Je suis la 1ère fille de 5 enfants. J’ai 3 frères et sœurs qui se suivent à 10 mois d’intervalle, de 2002 à 2004.

Aïchatou, ma mère, nous a transmis à tous le virus du sida. Mon père est mort en 2009 de la maladie. C’est lui qui l’avait contaminée et il lui avait caché la maladie, jusqu’à sa mort. C’est au dispensaire que l’infirmière lui a annoncé qu’il était traité et qu’il espérait guérir un jour. Il avait 35 ans et il faisait des petits boulots en tant qu’ouvrier.
Ma mère, pour ne pas faire peur aux gens et trouver du travail, disait qu’il était mort en combattant, au Nord du Niger, avec les militaires.
Elle faisait des ménages ou préparait des repas lors de baptêmes ou mariages, dans notre quartier. Elle était très maigre et fatiguée, mais montrait toujours un côté positif et souriant à chaque situation.

Nous vivions tous les 6 dans la petite case en banco de notre grand-mère maternelle. Il y avait juste la place pour dormir pour 7 personnes, dans son 4 m2. Dès que les premières chaleurs arrivaient, nous profitions de pouvoir dormir dehors, sous la Lune et avec de l’espace !
C’était la grande sœur de ma mère qui payait la location de la case de ma grand-mère à Zinder. Un jour, ma tante a cessé d’envoyer de l’argent pour payer la location. Ma grand-mère a dû partir chez une de mes autres tantes pour se faire héberger.
Ma mère allait régulièrement se faire soigner au dispensaire des Sœurs de l’Assomption. N’ayant plus de solution pour nous loger et nous nourrir, ma mère a demandé de l’aide aux Sœurs, qui l’ont orientée vers une jeune femme qui accueillait les enfants orphelins en difficulté.
Ma mère a été engagée dans cette école pour s’occuper des bébés des filles-mères et j’ai pu aussi commencer à étudier avec d’autres filles orphelines comme moi.

J’aimais beaucoup être à l’école, mais c’était difficile pour moi de me concentrer et d’avoir de bons résultats, car j’étais toujours fatiguée, toujours affaiblie… Je recevais une bonne nourriture et je pouvais me reposer quand j’en avais le besoin. Je faisais très attention de ne pas infecter mes camarades. J’avais mon propre bol, mon assiette et mes services pour manger. Je restais manger près de ma mère, au local de la nounou, ainsi je ne risquais rien et j’étais épargnée du bruit qui m’était un peu pénible à supporter.
A son engagement, ma mère n’avait pas dit à sa patronne qu’elle était malade. Elle avait peur qu’elle soit renvoyée et ne plus pouvoir subvenir à nos besoins. Sa patronne a découvert un jour notre maladie, mais rien n’a changé pour nous, elle avait confiance et appréciait énormément le travail que ma mère faisait avec les petits enfants de la maternelle.

Durant les congés d’été, je partais quelques semaines retrouver de la famille dans un petit village de brousse, à 60 km de Zinder. Je me retrouvais au milieu de troupeaux de chèvres et de moutons et on partait tous les matins à l’aube pour chercher de l’eau à 5 km du village, dans des jarres que nous portions sur nos têtes.

L’été 2014, j’ai passé mes examens pour adhérer au Collège de Zinder ! C’était très important pour moi, car enfin j’allais savoir ce que j’avais réellement pu apprendre toutes ces dernières années et de quoi j’étais capable…
Je n’ai d’abord pas cru quand le professeur m’a annoncé, 2 semaines plus tard, que j’étais acceptée au Collège, en ayant juste eu la moyenne ! Ce fut un des plus beaux jours de ma vie ! J’ai pleuré avec ma chère maman, qui avait tant sacrifié pour moi durant toutes ces années !
Mes premières journées de Collège était magnifiques, j’étais enfin «une grande» ! J’ai eu du plaisir à confectionner moi-même mon uniforme, avec l’argent que je gagnais au Centre, en faisant des petits nettoyages.

J’ai été de plus en plus fatiguée au fil des semaines et un matin du mois d’octobre, mon corps n’a plus pu se lever et bouger… L’infirmière du Centre m’a bien soignée mais j’étais trop anémiée, il fallait me perfuser.
C’est ainsi que j’ai pu fermer mes yeux fatigués, mon corps endolori par la maladie, un frais matin du mois de novembre 2014, aux côtés de ma chère maman Aïchatou.

La fête pour mon enterrement a été belle, tout le personnel du Centre était auprès de ma mère et de mes frères et sœurs pour les accompagner. Notre culture veut que les personnes décédées soient enterrées quelques heures seulement après leur mort. Une chèvre a été mangée pour le repas de fête, avec du bon riz.

Biba Ibrahim,  1999-2014

Isabelle M., Niger Zinder, 30 janvier 2015
 
   
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