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Mariama Maman, 17 ans

Je suis née dans la case de mes parents, sur une natte décolorée, un petit matin de 1988. Toutes les femmes du quartier accouchaient chez elles, dans le sable, sur une natte ou sur une couverture, pour les plus aisées.

Je n’ai pas connu mon père, il a quitté le foyer 2 ans après ma naissance, pour trouver du travail en Lybie. Il n’est jamais revenu à Zinder, ni donné de nouvelles. Nous ne savons pas s’il est encore en vie ou non.

Ma mère, Zouéra, a été courageuse de nous élever seule. Elle avait déjà 3 autres enfants et seulement 25 ans. Elle s’est remariée par la suite et a eu encore 5 enfants. Mon beau-père n’était pas souvent présent à la maison, il avait 2 autres femmes qui habitaient d’autres quartiers.
Je me suis rapidement retrouvée avec 18 frères et sœurs. Ma mère devait nous nourrir et assurer un minimum d’éducation à la maison, pour que ce soit un peu viable.

Rapidement, la situation est devenue désagréable et j’aspirais à quitter mon quartier. Mais où aller ? Je souhaitais aller à l’école pour apprendre mais mon entourage me disait que ce n’était pas bien pour moi.
Un jour, le chef de quartier a fait le tour des cases avec une femme Blanche. Elle proposait aux jeunes filles orphelines d’aller dans son école pour apprendre à lire, à écrire et le français. Elle donnait aussi des cours de couture, tricot et broderie. Cela a plu à ma mère car il y avait une distribution alimentaire de maïs, savons et oignons tous les 3 mois. J’ai pu commencer la semaine suivante.

Je me plaisais bien au local de couture, j’y côtoyais d’autres jeunes filles comme moi. J’ai appris à tricoter et à coudre sur de vieilles machines venues d’Europe. Nous réalisions de jolis ensembles pour les bébés, que nous pouvions revendre et ainsi gagner un peu d’argent.

Dès que j’ai eu 15 ans, ma mère m’a annoncé que j’étais en âge de me marier et qu’il fallait me trouver un mari pour subvenir à mes besoins et fonder une famille.
En fait, elle avait déjà tout organisé…
3 mois plus tard, un jeune homme d’une trentaine d’années était à la porte et nous étions présentés comme futurs époux. Il avait apporté sa dote, dont une somme assez importante d’argent pour conclure «la transaction».

A la fin de l’année 2013, j’ai quitté le local de couture et mes amies pour me marier. Mon mari était très jaloux et n’acceptait pas les visites des étrangers, dont la femme Blanche qui venait de temps en temps me visiter et prendre de mes nouvelles.Il chassait aussi les monitrices de la couture qui venaient me voir. Je devais rester toute la journée dans notre maison, à préparer les repas et l’attendre. Je demandais sa permission pour aller voir ma famille ou sortir chercher de l’eau ou des aliments.

Un jour, je suis sortie sans son autorisation, pour dire bonjour à une voisine juste à côté… Il l’a appris et il m’a battue à son retour….
J’étais enceinte de quelques mois et j’ai été profondément choquée.
J’ai essayé d’en parler à mon entourage et ma famille, mais on me disait de rester docile et de respecter mon mari.

Après une énième dispute et beaucoup de larmes, j’ai décidé de le quitter et de retourner vivre chez ma mère, avec le bébé qui allait naître dans quelques mois. J’avais envie de retourner au local de couture et de retravailler pour gagner un peu d’argent. Tout le monde m’y a bien accueillie, j’étais très contente et j’ai retrouvé confiance en moi.

Malheureusement, après toutes ces émotions, j’ai perdu mon bébé au 8ème mois de grossesse…

Je suis actuellement en « quarantaine » à la maison, avec ma mère. Quand on perd un enfant ou un membre de sa famille très proche, on passe 40 jours à la maison, sans sortir. Je reçois des soins avec de l’eau, suite à la perte de mon bébé. C’est une manière de faire notre deuil et de purifier le corps.

J’en suis à ma 3ème semaine de deuil et j’ai hâte de retourner au local de couture pour travailler et apprendre le français avec mes collègues, qui m’aideront à aller mieux.

 

Mariama Maman, 17 ans
Isabelle M., Niger Zinder, 30 janvier 2015


 
   
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