Je ne sais pas exactement quelle année je suis née,
mais on a mis 1996 sur mon extrait de naissance il y a 4 ans.
J’avais 5 ans lorsque ma mère est décédée suite à des problèmes de tension. Elle avait 17 ans quand elle m’a mise au Monde et sa santé était déjà très fragile. Elle ne s’occupait pas beaucoup de moi, elle n’avait pas la patience de m’entendre pleurer.
Je n’ai pas connu mon père, il est décédé par accident, après ma naissance. Pour fêter mon baptême, mon père était parti chercher une branche d’un arbre dans la brousse, qui devait me porter chance et m’accorder la santé tout au long de ma vie. Il a grimpé l’arbre pour trouver la plus belle branche feuillue et soudain il a perdu l’équilibre et il est tombé en arrière…. Un berger qui passait avec son troupeau de chèvres a donné l’alerte, mais c’était trop tard….
C’est ma grand-mère qui m’a recueillie chez elle, dans sa case de paille. Elle était déjà vieille et bien fatiguée. Elle n’avait pas d’argent pour me nourrir et me vêtir, j’ai donc dû aller très tôt mendier dans mon quartier et me prendre en charge toute seule.
Heureusement, des bonnes personnes m’ont aidée et j’ai même pu suivre l’école publique de Zinder pendant quelques années. En classe de 6ème, j’ai commencé à faire du sport et suivre un groupe de jeunes volleyeurs.
Un des entraineurs a commencé à me faire des avances et des promesses de mariage. Je devais juste avoir 14 ans et j’étais émerveillée et naïve face à tant de belles promesses.
J’ai très vite été enceinte et l’entraineur a encore plus vite disparu de la région… Ismaël est né à la fin de l’année de mes 14 ans. C’était un bébé bien éveillé, qui me demandait beaucoup d’attention. J’étais un peu désemparée de devoir m’occuper d’un bébé à mon âge, alors que je rêvais encore de sport, d’études et de flirt.
2 ans plus tard, la nounou de l’école de l’Association «Au Cœur du Niger» est venue habiter près de chez moi et de ma grand-mère. Elle m’a vue avec un 2ème bébé dans le dos et m’a proposé de rencontrer une jeune femme qui venait d’ouvrir une école pour les enfants orphelins et les filles-mères.
Pour nourrir mon 1er enfant, Ismaël, j’avais accepté de l’argent des camionneurs qui traversaient Zinder la nuit, avec leurs gros convois. Il y a avait toujours beaucoup de jeunes et moins jeunes femmes qui se prostituaient pour gagner un peu d’argent. Nous nous soumettions, sur de vieilles nattes abîmées, sous les camions. Une 2ème grossesse est arrivée rapidement. Mariama est née avec les 2 pieds bots et des doigts qui manquent aux deux mains… Désespérée par cette nouvelle grossesse et la façon dont je devais vivre, j’avais tenté de «faire passer» mon enfant… De vieilles femmes m’avaient vendu de l’eau de javel avec de la poudre, que je devais avaler. Mariama a déjoué tous les plans et elle arrivée en pleine santé, malgré ces malformations !
Le personnel et la fondatrice ont dû avoir beaucoup de patience avec moi, durant mes premières années à l’école de l’Association. J’ai dû apprendre à être une maman de deux enfants, malgré mon jeune âge et continuer à étudier, entre mes fréquentes révoltes et crises.
Petit à petit, j’ai pu prendre des responsabilités à l’école de l’Association, puis au nouveau Centre «Après-demain». Aujourd’hui, grâce à la confiance et la patience qui m’ont été accordées, je travaille et je gagne un petit salaire tous les vendredis. Le matin, je suis assistante à la maternelle du Centre, où 9 filles et garçons – des enfants d’autres filles-mères – âgés de 3 à 5 ans, apprennent à dessiner, à compter, à chanter et à rigoler ! Ma petite Mariama en fait partie. Ma fille a été opérée et guérie de ses pieds bots à l’hôpital de Niamey. Mariama court aujourd’hui comme tous les autres enfants et c’est une grande joie pour moi de la voir heureuse et insouciante, comme devraient l’être tous les enfants ! Je peux ainsi mieux accepter ce qu’il s’est passé dans ma vie.
Les après-midis, je prends le relais d’une institutrice dans une classe du Centre et je supervise les devoirs et les exercices des élèves au tableau noir.
J’aime beaucoup ce travail au Centre et j’aimerais vraiment être un jour salariée de l’Association. La fondatrice m’a dit qu’elle ferait les démarches auprès du Ministère de la formation professionnelle du Niger pour devenir formatrice et pouvoir octroyer des diplômes aux jeunes filles comme moi.
Je dors du lundi au vendredi au Centre avec mes 2 jeunes enfants, qui peuvent suivre le cursus scolaire sur place. Ils ont ainsi la chance d’être bien entourés et recevoir la meilleure éducation et scolarisation possible.
Nagode !
Fatma Zara, 19 ans |