Mes parents viennent tous les deux d’un petit village de brousse, à environ 80 km de Zinder. Ils se sont mariés très jeune et 9 mois plus tard, leur 1er enfant est arrivé.
Je suis la dernière fille, avec ma sœur jumelle Assana et j’ai 10 frères et sœurs qui vivent encore au village.

Ma mère est décédée 14 mois après ma naissance, en mettant au Monde son 11ème enfant, qui n’a pas survécu non plus. Elle m’allaitait encore. On m’a dit plus tard que ma maman était fatiguée avec toutes ses grossesses rapprochées et que son corps n’avait plus la force de porter à terme un énième bébé….

Mon père est resté au village, où il s’est remarié. Il a gardé ses fils avec lui. Ma sœur jumelle Assana a été prise en charge par une de mes tantes au village, ainsi que mes autres sœurs.

Ma grand-mère maternelle m’a accueillie dans sa petite case en banco et en tôle, à Zinder. Elle a environ 70 ans, c’est ce qui est marqué sur sa carte d’identité tout abîmée.
Notre culture veut que lorsque des jumelles naissent, une des filles sera appelée Assana et l’autre sera nommée Ousseina. J’entends beaucoup d’Assana et Ousseina autour de moi dans les ruelles ensablées de Zinder, et parfois je suis triste de ne pas avoir ma sœur jumelle auprès de moi…. Mon père vient nous visiter à Zinder une fois par année, mais il vient tout seul, je n’ai plus jamais revu mes frères et sœurs.
Quand je serai grande, je ferai un grand voyage pour aller les voir, à 80 km de chez moi.

Ma grand-mère a perdu la vue un jour où elle mendiait pour nous faire faire vivre toutes les deux… Un jeune garçon de 14 ans s’était approché d’elle et lui a jeté des cailloux au visage. Les pierres lui avaient fortement abîmé la zone des yeux et au fil des années, elle a totalement perdu la vision, faute d’argent et de soins….Il était hors de question pour elle d’aller à la capitale, 1'000 km à l’ouest de Zinder, pour se faire soigner correctement les yeux…

Un éducateur d’une nouvelle école à Zinder est venu nous trouver un jour. Il a proposé à ma grand-mère aveugle de me prendre en charge pour la scolarité, les soins, les repas et l’éducation. Une jeune femme Blanche est ensuite venue pour signer un contrat et nous a expliqué comment elle pouvait nous aider à aller mieux et vivre plus sereinement, sans avoir à mendier. Cela fait maintenant 4 ans que je suis à l’école et j’ai de bonnes notes avec mon institutrice. J’aurais aimé dormir dans le Centre de l’école avec mes autres camarades, mais ma grand-mère a besoin de moi le soir, pour l’aider à faire à manger, aller chercher de l’eau au puits, du petit bois, faire la lessive et dormir tout près d’elle. Une distribution d’un sac de maïs, des oignons, du sel et des savons est organisée tous les 3 à 4 mois par la femme Blanche, à tous les élèves réguliers de l’école, pour aider et encourager les parents vivants à laisser aller leur enfant à l’école

Le week-end, quand je suis avec ma grand-mère dans notre petit 4 m2, une voisine me demande de vendre des beignets dans les rues proches de mon quartier. Elle me donne 100.- francs CFA pour la journée, ce qui vaut environ 0,20 en Suisse. C’est le prix d’une banane, c’est énorme pour nous….
Pour mon travail de balayage et d’aide à servir les repas de midi à l’école, je reçois 2'000.- francs CFA pour 5 jours. Je suis contente, je peux ainsi aider ma grand-mère pour ses soins au dispensaire et nous mangeons mieux les week-ends.

Je ne sais pas encore ce que je veux faire plus tard, car mon quotidien est difficile et je n’ai pas d’exemple autour de moi qui me ferait envie. Je ne vois que des filles et des femmes qui ont beaucoup d’enfants et qui attendent leur mari le soir ou tous les 2-3 soirs, si le mari a plusieurs femmes. Pour le moment, je dois aider ma grand-mère à la maison. J’aime m’amuser aux balançoires du Centre et jouer au ballon avec mes camarades, durant la semaine. Mon cours préféré est l’écriture, je peux ainsi raconter des histoires.

Ousseina Mahamane, 10 ans